Roi de pierre dominant la Plaine du Pô, le Mont Viso est incontestablement l'une des montagnes les plus
emblématiques des Alpes du Sud. Sa voie normale, cotée PD-, est accessible à toute personne ayant un minimum
le tempérament montagnard.
Avant de commencer ...
Avant de me lancer dans la description de l'itinéraire, je tiens à raconter l'histoire compliquée que j'ai
entretenu avec le Mont Viso pendant plusieurs années. Aussi loin que je m'en rappelle, j'ai toujours vu
cette montagne au loin, depuis la route du Col du Galibier, en montant par le Col du Lautaret. Pourtant si
lointain, il dépasse, imposant sa silhouette solitaire sur l'horizon. Plus tard, en découvrant les Alpes,
je découvrais que de partout il nous offre cette aspect de montagne isolée qui domine absolument tout ce
qui l'entoure, à des kilomètres à la ronde.
Fin 2015, en Septembre, je me mets en tête d'aller le gravir avant la fin de l'année et les premières neiges.
Malheureusement, habitant en Région Parisienne, ce projet se révèle impossible ... Qu'à cela ne tienne,
l'été prochain, je partirai à la conquête de ce sommet !
Début Septembre 2016, au début d'un road trip de deux semaines en Italie, nous franchissons le Col Agnel et
partons à l'assaut du Viso. Juste avant d'arriver aux Lacs de Forciolline où nous avions prévu de camper
(par peur que le Bivouac Boarelli soit plein), nous nous rendons compte que nous n'avons pas les clés de
la voiture. Situation assez fâcheuse étant donné que nous avions toutes les affaires pour les deux semaines
à venir (matériel d'alpinisme, de plongée, de camping, ordinateurs portables, ...). C'est donc à la nuit
tombante que nous faisons demi-tour, redescendant le Sentier Ezio Nicoli à toute vitesse, dans le noir.
Arrivé en bas, la voiture était bien là, la porte ouverte, les clés sur le contact ... Ouf ! Heureusement
qu'à la montagne les gens sont plus honnêtes que par chez nous ... Tant pis pour le Viso, ça sera pour
l'année prochaine ... Cet échec a failli gâcher le reste de mes vacances, heureusement, le dernier jour
du voyage, une mémorable ascension de la Marmolada,
dans les Dolomites, est venus sauver le côté "montagne" de ce road trip.
2017, nouvelle tentative ! Cette fois-ci, toujours début Septembre, nous partons deux semaines en road trip
à travers les Alpes, jusqu'à la Méditerranée. Après une première journée à Annecy, la météo est tellement
belle que nous partons pour le Grand Paradis avant
le Mont Viso. L'ascension du Grand Paradis se passe
dans les meilleures conditions possibles. Nous pouvions même être en tee-shirt au sommet. Forcément, le Viso
était parfaitement visible au Sud, dominant la ligne d'horizon de son imposante et austère silhouette. Après
une journée de repos à Saint-Véran, nous partons (une nouvelle fois) à l'assaut du Viso. A peine arrivés au
pied du sentier Ezio Nicoli, toujours chargé comme des mules au cas où il n'y ait pas de place au Bivouac
Boarelli, je sens que j'en demande trop à ma moitié et que si je veux terminer les vacances en un seul morceau,
il me faudra, une fois encore, renoncer au Viso. Heureusement, le jour initialement prévu pour le Viso étant
devenu un jour de "bonus", nous passons deux nuits au lieu d'une seule au (super) camping de Tende. Ayant une
journée à occuper, nous décidons de partir découvrir l'incontournable du secteur :
la Vallée des Merveilles. Résultat des
courses : l'une de nos plus belles randonnées. Pas d'alpi en cette fin d'été, mais l'itinéraire était vraiment
magnifique et a sauvé le côté "montagne" des vacances.
2018, je suis déterminé a en découdre avec le Mont Viso ! J'ai une semaine seul dans les Alpes et je compte
bien en profiter. La météo est exécrable et je choisis mes sommets en fonction des rares fenêtres de beau
temps. Juste avant l'été, après quelques mois à mon nouveau poste, juste à côté de chez moi et payé bien plus
que la moyenne, je me rends à l'évidence : on ne peut pas faire abstraction de l'un des pires managers
imaginables, sous prétexte que c'est à côté de la maison et que ça paye bien ... Je suis donc en recherche
d'emploi durant l'été, avec les contraintes que cela impose : l'entreprise que je convoite le plus me
propose un entretien le seul jour où les conditions météo sont bonnes sur le Viso. Comme j'avais
bien compris qu'il était très compliqué de se coltiner des *** toute la journée sans que cela ne
nuise à la vie privée, je voulais vraiment travailler dans une ambiance saine, que je savais avoir toutes
les chances de trouver là-bas. Je fais donc un aller-retour en Région Parisienne, sous un Soleil radieux,
laissant une fois de plus filer mon petit Viso. Ayant enchaîné 3 semaines de montagne en tout, j'avais
quand même eu le temps d'être "rassasié", et j'avais en plus l'habitude de repousser ce Viso ... Même si
le temps allait encore être long à attendre cette montagne en consultant des topos tout au long de l'année,
je commençais à y être "habitué". Et puis mon renoncement n'aura pas été inutile, puisque j'ai finalement
été pris au poste tant espéré.
2019, après une folle semaine seul dans les Alpes, la météo est au top. Il me reste deux jours avant de
retrouver ma moitié. Ces deux jours sont pour le Viso. Cette année est la bonne !
Première approche
Au départ du hameau de Castello, à Pontechianale, sur le versant italien du Col Agnel, on commencera par monter
au Bivouac Boarelli (Bivouac de Forciolline), en remontant le Torrent Vallanta, puis en prenant le Sentier
Ezio Nicoli. Après une bonne et courte nuit dans ce bivouac tout confort, on remontera la partie haute du
Vallon de Forciolline pour arriver au Bivouac Andreotti et attaquer le cœur de la course : la face Sud du
Mont Viso. Par un habile cheminement dans des couloirs et sur des vires, le sommet se laissera atteindre
relativement facilement, comparativement à ce que peut laisser présager cet austère versant rocheux. Pour le
retour, on redescendra par le même itinéraire jusqu'au Bivouac Boarelli. Ensuite, pour varier par rapport
à la montée, on redescendra au Torrent Vallanta par le Bivouac Berardo, plutôt que par le Sentier Ezio Nicoli.
La fin se fera le long du torrent, comme à l'aller.
Itinéraire à suivre
Avant de partir, on s'assure d'avoir tout le matériel nécessaire pour cette course d'alpinisme
cotée PD- : casque et lampe frontale, pour se protéger des chutes de pierres et pour la partie nocturne de
l'itinéraire le deuxième jour, piolet et crampons, même s'ils resteront très probablement dans le sac (les 11
et 12 Juillet 2019, ils m'ont tout de même été bien utiles) et surtout de quoi dormir au Bivouac Boarelli.
Théoriquement, il y a 14 places (14 matelas), mais il arrive fréquemment que des gens se serrent ou
dorment par terre. Pour la nuit du 11 au 12 Juillet (du Jeudi au Vendredi), nous n'étions que quatre
personnes, donc pas de problème de place. Il y a des oreillers et des couvertures, mais le bivouac étant
non gardé, ils ne sont pas lavés tous les jours ... Un duvet peut donc être utile pour ceux qui ne
voudraient pas être en contact avec les matelas et les couvertures du bivouac. Pour minimiser l'encombrement,
un sac à viande fait largement l'affaire. Les minimalistes dormiront directement en contact avec les matelas
et les couvertures, même si ce n'est pas très correct de faire ça ... Et puis un vrai minimaliste se doit
de faire l'ascension dans la journée ! :P Il faut également de la nourriture pour deux jours et de l'eau,
beaucoup d'eau ! Personnellement, j'avais pris 3,5 L. Beaucoup de gens refont le plein avec l'eau qui
ruisselle dans les Lacs de Forciolline (où même l'eau des lacs directement), en y ajoutant des pastilles
purifiantes. Pour résumer, il faut donc casque, lampe frontale, piolet, crampons, duvet ou sac à viande,
de l'eau et à manger pour deux jours et des vêtements chauds (ça peut souffler fort là-haut, et si la
nebbia monte, à plus de 3800 m, il peut faire extrêmement froid). Enfin, une corde peut être utile pour
assurer les personnes peu à l'aise avec le vide. Dernière petite précision avant de partir, la nebbia
(brouillard en italien) est l'un des principaux problèmes du Viso : durant la nuit, le ciel se dégage sur
la montagne, puis quand le Soleil se lève, le Viso "aspire" toutes les brumes nocturnes de la Plaine du Pô
et très souvent, dès 9h00, il est dans les nuages pour tout le reste la journée, alors qu'il fait beau
partout ailleurs ...
L'itinéraire débute au petit parking au niveau du pont sur le Torrent Vallanta, à la sortie du hameau de
Castello, à Pontechianale. On commence par prendre le chemin qui remonte le long du Torrent Vallanta, en
rive droite. On suit ce chemin sur environ 3 km, avant d'arriver au lieu-dit de Grange Souliereres. A cet
endroit, le vallon forme un replat un peu plus large et on trouve un ancien chalet en ruines. Juste après
cette ruine, une passerelle nous fait passer en rive gauche du torrent et la pente se fait plus forte,
jusqu'à passer sous la Grange del Rio. Environ 350 m plus loin, on atteint une pierre où le Viso est indiqué
sur la droite par un panneau de randonnées et par une indication peinte en jaune (ces indications à la
peinture jaune font partie du mythe du Viso, en particulier dans la face Sud où l'on trouve parfois un
trait par mètre). On prend donc sur la droite pour s'engager sur le Sentier Ezio Nicoli.
Après la première pente de quelques dizaines de mètres, on retrouve un chemin bien tracé. On rentre alors
rapidement dans une forêt de conifères et on arrive à une bifurcation. Il faut prendre le chemin de droite,
qui monte au Bivouac Boarelli (Bivouac de Forciolline) par le Sentier Ezio Nicoli. Le chemin de gauche monte
au Bivouac Berardo, puis va ensuite au Bivouac Boarelli. Cette option est un peu plus longue, mais plus
facile techniquement. Au retour, on reviendra par ce chemin pour ne pas prendre le même itinéraire qu'à la
montée. Nous continuons donc sur le chemin de droite et l'on ne tarde pas à rejoindre le torrent issu des
Lacs de Forciolline. Le chemin remonte les rives de ce dernier à travers les rochers, en se dirigeant vers
la base de la falaise entaillée par le cours du torrent. Quand le chemin devient difficile à distinguer, il
suffit de se laisser guider par l'abondant marquage jaune et le même symbole blanc et rouge que pour nos
GRs. On atteint ainsi la base de la falaise, sur la droite (donc en rive gauche !) du torrent.
Une fois au pied des falaises, on remonte par l'entaille que le torrent fait dans cette dernière. Sans être
trop technique, la montée se fait plus franche. On s'aide parfois un peu des mains et il y a quelques
passages équipés de chaînes. En fonction du débit du torrent, on risque parfois de se mouiller les pieds en
cas de faux pas. La montée semble interminable dans cette étroite et oppressante gorge, surtout dans la
nebbia (j'ai sélectionné les photos où il y avait le plus de visibilité, mais la majorité du temps, je ne
voyais pas à 20 m ...). Vers 2760 m, quand les parois latérales se font moins verticales, le chemin (ou
plutôt le balisage de peinture jaune !) s'écarte du fond du vallon pour remonter sur la gauche. Le chemin
redevient ensuite presque plat, puis rapidement, on aperçoit le Bivouac de Forciolline, perdu au milieu
du plateau des Lacs de Forciolline. C'est la fin de cette première journée d'ascension, après environ 1300 m
de dénivelé positif.
Le Bivouac Boarelli est un bivouac grand luxe. Il y a l'électricité, et même un système de chauffage (même
si le meilleur chauffage du monde reste un grand nombre de personnes entassées dans un endroit clos ...).
Les toilettes fonctionnent avec de la sciure. Comme l'indique le mode d'emploi : "pipi d'un côté, popo de
l'autre". Etonnement, aucune odeur ne se dégage de ces toilettes (et tant mieux !). L'intérieur du bivouac
est constitué d'une pièce de vie avec deux tables et deux lits, une chambre avec 10 lits et une autre
chambre en haut, avec deux matelas (mais il est possible d'y dormir à 4 ou 5). A l'arrière se trouvent
également de pièces de stockage, que nous ne sommes pas censé visiter ...
En arrivant un peu avant 15h, j'étais la première personne arrivée au bivouac (un jeudi). Une fois installé,
il a bien fallu trouver comment tuer le temps ... La nebbia a fini par passer et le Lac Supérieur de
Forciolline a enfin révélé sa belle couleur bleue. Plus tard, deux personnes sont arrivée au Bivouac :
David et Denis, deux Français. Ils allaient également au sommet du Viso le lendemain. Denis, le père de David,
avait 70 ans. Comme quoi, être vieux, c'est dans la tête ! Quelque temps plus tard, une quatrième et dernière
personne est arrivée : Thierry, lui aussi Français et grand habitué de Viso. C'est ainsi que nous allions
donc être quatre Français à nous élancer vers le Viso, le lendemain, après une courte nuit.
Etant très fatigué de ma grosse semaine (06/07 : trail HTV, 70 km, 5400 m d+, 15h d'efforts ; 07/07 :
la Grande Sassière (Le repos ? C'est quoi ?) ;
08/07 : le Grand Bérard le matin et
le Mont Pelat l'après-midi ; 09/07 :
la Tête de l'Estrop le matin et
le Puy de Rent le soir ; 10/07 :
la Grande Séolane ; 11/07 :
"seulement" la montée au Bivouac Boarelli), j'avais prévu de me lever vers 5h00 le lendemain, pour partir
tranquillement vers 5h30. Thierry, qui avait l'habitude des mauvais tours de la nebbia, avait prévu de se
lever à 3h30 pour un départ à 3h45. David et Denis qui avaient prévu de se lever vers 4h00 ont donc décalé
leur réveil 30 minutes plus tôt, tout en prévoyant de partir tranquillement, quand ils seraient prêts. Je
savais que 5h00 était assez tardif comme réveil, j'ai donc prévenu les autres de ne pas être discret à
leur réveil, pour profiter de leur préparation pour me réveiller tout doucement.
Après une courte mais bonne nuit (ça faisait une semaine que je dormais dans la tente ou dans la voiture ...),
le bruit des autres prenant leur petit-déjeuner m'a doucement arraché à la nuit. Je me suis levé juste avant
de voir Thierry s'élancer dans la nuit, vers 3h45. David et Denis sont partis vers 4h00. Jusqu'à mon départ,
l'ambiance fut alors assez pesante, seul dans ce bivouac perdu dans la nuit. A 4h20, bien que sentant ma
rude semaine peser lourdement dans tout mon corps, je partais à mon tour à l'assaut du Viso. Après tant
d'années à en rêver, j'y étais enfin ! Après avoir éteint toutes les lumières du bivouac, je me suis aperçu
avec grand plaisir que le ciel était parfaitement dégagé. Oui, mais pour combien de temps ? J'ai donc allumé
ma frontale et je suis parti sans tarder.
On commence par traverser le grand plateau des Lacs de Forciolline, en direction de la face Sud du Viso.
On arrive rapidement à "la Corniche des Bouquetins", un court passage équipé d'une chaîne, au-dessus du
Lac Supérieur de Forciolline.
Après avoir dépassé le Lac Supérieur de Forciolline, on entre dans le vallon pierreux qui nous permet de
rejoindre le pied de la face Sud du Mont Viso. Au tout début de ce vallon, la Caverne Michel Croz est
indiquée à 20 mètres sur la droite. Je n'ai rien trouvé à propos de l'histoire de cette petite "grotte",
à part que ceux qui ne prennent pas beaucoup d'eau refont le plein ici. C'est un gros rocher, empilé sur
d'autres, formant une petite cavité dans laquelle coule de l'eau. Après être revenu sur le chemin, on
atteint très rapidement une bifurcation. Il vaut mieux prendre le chemin qui part tout droit, celui-ci
étant plus direct. L'autre, celui qui part légèrement sur la droite, est un peu plus long, car il fait un
crochet par le Pas des Sagnettes. Après une longue remontée à la frontale dans ce monde minéral, on atteint
la moraine de la face Sud du Viso, vestige d'un ancien glacier. La moraine se remonte facilement, puis on
arrive sur un replat où les névés qui fondent peuvent former des flaques plus ou moins profondes.
Une fois en haut de la moraine, on arrive au niveau du cône d'éboulis qui mène au Bivouac Andreotti. C'est
à cet endroit que l'itinéraire alternatif (qui passe au Pas des Sagnettes) rejoint celui que l'on a pris.
La trace traverse en bas de l'éboulis, en direction du pied de la face Sud. En arrivant près de la falaise,
on s'aperçoit que l'éboulis remonte sur la droite et permet ainsi de franchir la barre rocheuse qui nous
empêchait de passer jusque-là. La trace remonte l'éboulis jusqu'au Glacier Sella, en passant devant le
Bivouac Andreotti. Il faut alors remonter le glacier, puis, en haut de ce dernier, prendre la vire
horizontale qui revient en arrière. Si la neige est encore bien présente, il peut être utile de chausser
les crampons le temps de passer le glacier.
Pour ma part, c'est en arrivant au niveau du Bivouac Andreotti que j'ai rejoint David et Denis. Nous avons
donc fini l'ascension ensemble. A la base, j'aurais du faire cette ascension avec un autres Denis, mais
celui-ci s'est débiné au dernier moment ... Bref ! J'aurai quand même fini par faire le sommet avec un
Denis. :P
Une fois sur la vire, on enlève les crampons et on attaque enfin le cœur de cette course d'alpinisme :
la face Sud du Mont Viso. A partir d'ici le balisage jaune est encore plus omniprésent (le stade supérieur
serait une ligne continue de bas en haut ...). On commence par la vire horizontale, puis on repart sur la
droite dans un raide couloir, en haut duquel on enchaîne de courts passages où la trace est bien marquée,
entrecoupés de petits ressauts faciles, mais qui peuvent impressionner. La chute est bien évidemment
fortement déconseillée ... C'est dans cette alternance de passages un peu moins raides et de ressauts que
nous avons rejoint Thierry.
On finit par arriver dans une portion qui se remonte assez facilement, en bordure de névé jusque tard dans
la saison. En haut de cette dernière, au pied d'un immense gendarme, une flèche indique de monter sur la
gauche, mais en étant distrait, on peut être tenté de suivre un autre balisage vers la droite, qui permet de
rejoindre l'itinéraire de l'arête Est (itinéraire plus technique et plus exposé). Après le petit passage
assez raide en suivant la flèche sur la gauche, une remontée facile nous amène à une zone où un névé
persiste sur l'itinéraire assez tard dans la saison. S'il n'a pas encore été ramolli par le Soleil, il faut,
soit ressortir les crampons, soit avoir deux piolets, pour pouvoir monter en toute sécurité.
Après ce passage où il peut falloir se ré-équiper, on franchit un passage assez vertical qui débouche sur
un étroit replat, de l'autre côté duquel on voit un bâton dans la falaise. Il faut rejoindre ce bâton,
pour trouver un raide couloir qui va nous permettre d'atteindre la dernière section assez "plate" avant le
sommet. Cette section remonte vers la droite, puis traverse un couloir. Ensuite, après quelques pas faciles
d'escalade, on atteint le sommet !
Le Mont Viso possède en fait deux sommets, très proches et de même altitude (3841 m). La voie normale arrive
à la Punta Trieste (Pointe Trieste). L'autre sommet est la Punta Nizza (Pointe Nice). La Punta Nizza est à
l'Ouest, comme Nice et la Punta Trieste à l'Est, comme Trieste. Je pense ne pas trop prendre de risque en
supposant que ce n'est pas un hasard et que cela doit dater de l'époque des Etats Italiens, ou Nice était
encore italienne (je n'ai trouvé l'explication nulle part) ...
Depuis le sommet, la vue est saisissante ! Le Viso étant de (très) loin la montagne la plus haute à plus de
60 km à la ronde (le Mont Pelvoux est la plus haute
montagne la plus proche), rien ne vient gâcher le tableau. Depuis la Punta Trieste, la Punta Nizza cache
un peu le Massif d'Escreins à l'Ouest. A l'Est, la Plaine du Pô étant "toute plate", il est préférable
d'aller sur la Punta Nizza pour profiter de la vue, on ne perd ainsi qu'un petit morceau de la Plaine du Pô.
Pour rejoindre la Punta Nizza, il faut traverser une courte arête neigeuse (assez exposée), puis redescendre
quelques pas d'escalade facile, avant une courte et facile grimpette vers le deuxième sommet du Viso. Aller
d'un sommet à l'autre est très rapide, pourtant la Punta Nizza est beaucoup moins fréquentée.
Et voilà, après tant d'années à l'espérer, me voici enfin au sommet du Mont Viso, à 3841 m d'altitude,
point culminant du Massif des Alpes Cottiennes. Avec le temps, j'avais tellement "divinisé" ce
sommet, qu'en arrivant là-haut, je fus surpris d'y être arrivé aussi "facilement". Par là, je
veux dire qu'aucun pas ne m'a paru difficile et que je n'ai jamais été impressionné par le vide dans la
montée. Comme d'habitude depuis un sommet, je fais un tour d'horizon photographique pour vous présenter
la vue. J'avais oublié mon appareil dans mon sac resté sur la Punta Trieste, du coup, les zooms
ont été faits de là-bas. C'est pour cela que l'on voit des morceaux de la Punta Nizza sur les zooms de
certaines montagnes ... Passez votre souris sur le nom d'une montagne dans la description d'une photo pour
la voir entourée sur la photo correspondante. Thierry a créé un panorama annoté de plusieurs gigaoctets,
avec des sommets visibles à plus de 300 km (le Monte Adamello à 313 km et le Monte Care Alto à 317 km).
Mon panorama est bien minable à côté, mais il faudra vous en contenter ! :P
Après une bonne pause à l'écart sur la Punta Nizza, on revient à la Punta Trieste. On retraverse donc
l'arête entre les deux sommets, en étant vigilant sur la partie neigeuse.
Un dernier petit regard sur le panorama unique du Viso, puis on attaque la descente. L'itinéraire est assez
simple, car on suit le même qu'à la montée. Et comme à la montée, le balisage jaune ne laisse aucune place
à l'imprévu ... On redescend donc au couloir que l'on retraverse sous la Tête d'Aigle, puis on enchaîne
les (trop nombreux pour être re-décrits) couloirs, vires et éboulis. On finit par revenir au "premier"
couloir, en bas duquel se trouve la vire horizontale qui nous ramène en haut du Glacier Sella. Comme à la
montée, la désescalade n'est pas très technique et il suffit donc juste de faire attention, car il vaut mieux
éviter de tomber ...
Une fois de retour sur la Glacier Sella, on redescend ce dernier (si le Soleil à commencé à chauffer la
neige, ça passe sans crampons), puis on revient en bas de l'éboulis qui passe devant le Bivouac Andreotti.
On retraverse ensuite la base de cet éboulis pour revenir à la moraine. David et Denis continuant leur
chemin par le Pas des Sagnettes, c'est ici que nous nous sommes séparés. Cette journée avec eux était un
véritable plaisir ! J'ai continué la descente vers le Bivouac Boarelli avec Thierry. Pour rejoindre ce
bivouac, comme à l'aller, on redescend la moraine, puis, en suivant le balisage jaune, on finit par
revenir au Lac Supérieur de Forciolline et à la Corniche des Bouquetins. Après avoir traversé cette
dernière, nous voilà de retour au Bivouac Boarelli, notre point de départ de la journée.
De retour au Bivouac Boarelli, on reprend les affaires que l'on y a laissées et on attaque la descente finale.
Et oui, il reste encore environ 1300 mètres de dénivelé négatif ... Pour ne pas prendre le même chemin qu'à
l'aller, on redescend par le Bivouac Berardo, plutôt que pas le Sentier Ezio Nicoli. Cette option est un peu
plus longue, mais permet de varier l'itinéraire. Thierry étant un grand habitué du Viso, il est redescendu
directement par le Sentier Ezio Nicoli. Je me suis senti bien seul, une fois mon troisième compère parti,
après cette journée pleine d'aventures en leur sympathique compagnie ...
La bifurcation entre les deux itinéraires de retour se trouve juste devant le Bivouac Boarelli. Pour
rejoindre le Bivouac Berardo, il faut suivre l'itinéraire de droite, qui continue sur le plateau des
Lacs de Forciolline, toujours bien balisé avec de la peinture ... jaune ! On ne s'y attendait pas !
Bref, l'itinéraire traverse le plateau des Lacs de Forciolline, puis remonte dans une zone de gros
blocs rocheux, avant de redescendre au Lac Pons. On arrive ensuite très vite au Bivouac Berardo, qui
contient 9 lits.
Après le Bivouac Berardo, la descente se fait beaucoup plus franche. Au départ, la vue est très dégagée
sur la vallée, puis à mesure que l'on descend, on revient dans la forêt. Quand la pente se fait moins forte,
on revient à la bifurcation à laquelle on était passé la veille, entre le Sentier Ezio Nicoli et la montée au
Bivouac Berardo. L'itinéraire jusqu'en bas devient alors très simple : il suffit de suivre le même que
la veille, mais dans l'autre sens : retour sur le chemin principal du fond de la vallée, le long du Torrent
Vallanta, puis retour à la Grange Souliereres, et enfin redescente le long du Torrent Vallanta jusqu'au
parking de Castello.
Et voilà, c'est la fin de cette course mythique sur le sommet du Mont Viso ! Après tant d'années à
désirer ce sommet, le plaisir d'y être enfin parvenu était vraiment intense pour moi. Je me rappelle
encore qu'une fois de retour à ma voiture, j'ai eu beaucoup de mal à partir, à passer à autre chose.
Quoi qu'il en soit, une chose est certaine : ce sommet est vraiment à la hauteur de sa réputation et j'y
reviendrai à coup sûr.
L'itinéraire est long et souvent fait sur 2 jours. Il faut donc
prévoir des vivres en conséquence. Le Bivouac Boarelli n'est pas gardé et il n'est pas possible de
réserver : premier arrivé, premier servi. Pour la face Sud du Viso, le casque est obligatoire.
Piolet et crampons sont conseillés, mais ils peuvent ne pas servir (tout dépend des conditions).
Enfin, dans la face, nul besoin de préciser qu'une chute ne pardonnerait probablement pas ...