Point culminant des Alpes Grées, la Pointe de Charbonnel est un sommet sauvage, vierge de tout aménagement
humain. Pas de refuge, ni même de chemin, très peu de fréquentation, chacun gère sa course à sa façon : la
vraie montagne.
Première approche
Pour une fois, l'itinéraire est assez simple (sur le papier seulement !) : au départ des Vincendières,
on monte en direction des barres rocheuses d'où coule le Ruisseau de Charbonnel. On franchit ensuite ces
barres rocheuses par de larges vires successives, avant de traverser le ruisseau et de monter vers le
Glacier de Charbonnel. Une fois sur ce dernier, on le remonte droit vers le sommet, jusqu'au pied de
la pente finale et de la petite falaise en haut de laquelle se trouve le sommet. Deux solutions sont
alors possibles escalader la falaise ou grimper par la pente finale (40°), très souvent en glace bien
dure ... Le retour s'effectue par le même itinéraire. En regardant sur la carte en bas de page,
on se rend vite compte que l'itinéraire pourrait se résumer par "monter droit sur le sommet", ou
"dré dans l'pentu" pour les locaux.
Mise en garde
Avant de commencer la description de l'itinéraire, je tiens à partager le "petit incident" que j'ai eu sur
ce magnifique sommet. Pour remettre l'ascension dans son contexte, j'avais 3 jours à occuper dans les Alpes.
Trois jours tout seul, où je pouvais faire tout ce que je voulais sans risquer de dégoûter quelqu'un parce que
je voulais en faire trop. :) Pour ces 3 jours, que j'avais appelés "les 3 jours à tuer dans les Alpes", j'avais
choisi : la Pointe de Ronce le 15 Août 2018,
la Pointe de Charbonnel le 16 Août 2018 et le Pic Bayle
le 17 Août 2018. Donc 3 belles journées bien intenses, à parcourir les Alpes, à avaler du dénivelé et à ne
pas beaucoup dormir, avec évidemment un confort plus que spartiate. Le programme étant assez ambitieux,
surtout pour la mi-Août, je suis parti le premier jour assez anxieux. Mais, à ma grande surprise,
les conditions sur la Pointe de Ronce étaient
excellentes. Je suis donc parti un peu trop confiant pour la Pointe de Charbonnel, en sous-estimant la
partie sous le sommet. J'ai (à tort) cru que la pente finale serait en conditions et je n'ai même
pas regardé où il fallait passer dans la falaise (itinéraire lorsque la pente sommitale n'est pas en
conditions), en pensant que de toutes façons, je trouverais facilement
l'itinéraire. Grave erreur ! Après avoir commencé à monter par la pente finale du glacier, cette dernière
s'est révélée totalement gelée. Piolet et crampons s'enfonçaient à peine. Plus je montais, plus j'avais
peur de glisser, mais descendre me semblait encore plus dangereux. Avec la fatigue et la petite frayeur
de la montée, j'ai manqué de lucidité dans la redescente de la falaise et je ne suis probablement pas passé
par le meilleur itinéraire. Ma désescalade assez périlleuse a fini d'emporter le peu de courage qu'il me
restait : une fois de retour en sécurité, en bas de la partie raide sommitale, j'ai choisi de ne pas faire
le Pic Bayle le lendemain, mais plutôt
le Roignais, sur lequel il n'y aurait pas de glacier.
Alors, que retenir de cette petite expérience ? Après coup, cela semble évident ... Les rabat-joies diront
qu'il ne fallait pas entreprendre un périple aussi intense. Je ne pense pas que ça soit la bonne réponse.
Il est bon de vouloir se dépasser de temps en temps, et une telle "expédition" bien préparée n'a pas de
raison de mal se passer. Je pense que c'est plutôt le manque d'étude préalable de ce passage technique et
la précipitation une fois sur place qui m'ont mis en danger. Il faut savoir prendre son temps devant une
difficulté et ne pas foncer tête baissée. Le principal pour moi est que cette mésaventure se soit bien
terminée et que j'en ai tiré les bonnes leçons.
Itinéraire à suivre
L'itinéraire commence au parking à l'entrée du hameau des Vincendières, dans la vallée qui part au Sud-Est
de la Vallée de la Maurienne, un peu au-dessus de Bessans. L'itinéraire étant une course d'alpinisme
(cotée PD) avec une bonne partie sur glacier, il convient de partir tôt. Je voulais partir vers 5h00,
je suis finalement parti vers 5h30. Pour des raisons pratique, il est plus simple de dormir sur place.
Pour ma part, j'avais planté la tente non loin du départ. Certains font également la première partie de
la montée le premier jour, dorment vers 2800 m dans une "zone de bivouac" et finissent l'ascension le
deuxième jour. Par contre, la zone "traditionnelle" pour bivouaquer ne se trouve pas sur l'itinéraire que
j'ai pris. Pour la trouver, il faut continuer tout droit après avoir traversé le Ruisseau de Charbonnel,
plutôt que de commencer de monter dans les barres rocheuses.
Dès le départ (enfin, s'il faisait jour), on voit la totalité de l'itinéraire. Il est important de bien
repérer les passages clés la veille, notamment la vire qu'il faut prendre pour rejoindre le Ruisseau de
Charbonnel, ainsi que les éventuelles crevasses du Glacier de Charbonnel.
Après une bonne nuit tout confort en tente, on part donc du parking des Vincendières, puis on prend le
premier chemin qui part sur la droite, pour prendre la passerelle qui permet de traverser le Torrent
d'Avérole. On continue ensuite vers la droite, jusqu'à ce que la piste se sépare en deux. Il faut
prendre la branche de gauche, qui monte en lacets vers le pied des barres rocheuses (la branche de
droite retourne vers Bessans, par le fond de la vallée). Après quelques lacets, la piste s'arrête et un
chemin poursuit l'ascension, dans une forêt peu dense qui, en 2018, avait été bien amochée par une avalanche
(de très nombreux arbres étaient couchés).
Le chemin s'élève vers une grande prairie alpine, puis remonte cette dernière jusqu'à arriver à hauteur des
barres rocheuses du Ruisseau de Charbonnel. Sur une pierre, une indication est peinte : la Pointe de
Charbonnel sur la gauche, et la Pointe de Tierce sur la droite. On prend alors sur la gauche, en direction
de la large vire herbeuse qui va nous conduire au Ruisseau de Charbonnel.
Une fois au Ruisseau de Charbonnel, la meilleure des solutions est de le traverser et de quitter la trace
juste après, pour remonter dans les barres rocheuses (présence de cairns). J'ai choisi de remonter avant
de traverser le ruisseau et je me suis retrouvé tout mouillé, à devoir le traverser dans une endroit
beaucoup moins facile qu'au début. "Ma montée" était plus technique et nettement moins agréable que celle
que je conseille de prendre (itinéraire que j'ai pris à la descente, bien mieux). En continuant tout droit
sur la trace, on finirait par arriver au lieu de bivouac. Je ne suis pas passé par là, parce qu'après cette
zone se trouve un couloir assez raide à remonter, sur lequel je n'avais pas assez d'informations pour m'y
engager sereinement.
Une fois les premières petites barre rocheuses grimpées (ou une fois le ruisseau traversé si on a pris la
mauvaise option), on arrive dans une grande pente d'éboulis, entrecoupée de petits passages rocheux.
Des cairns (parfois difficiles à voir) indiquent l'itinéraire à suivre. Vers 2850 mètres d'altitude,
on arrive dans un large couloir qui débouche sur un vaste replat, vers 2900 m. Depuis ce replat, on voit
bien le sommet (la petite partie rocheuse sur la gauche de la calotte de glace sommitale).
Une fois au replat à 2900 mètres d'altitude, on continue de marcher en suivant les cairns. En cas de doute,
la trace monte droit vers le sommet de toutes façons ... On traverse ainsi le replat pour se diriger vers
une zone de petits ressauts rocheux qui se grimpent sans la moindre difficulté. Cette partie rocheuse a une
forme de pointe, qui avance sur le Glacier de Charbonnel, jusqu'à environ 3240 mètres d'altitude.
Une fois au pied du Glacier de Charbonnel, on chausse les crampons, on sort le piolet, et c'est parti !
Comme depuis une bonne partie de l'itinéraire, on monte en faisant cap sur le sommet. Il reste environ 500
mètres de dénivelé. Le glacier est peu crevassé, mais il y a tout de même quelques crevasses qui
méritent qu'on leur prête attention. Il serait dommage de finir au fond ... Donc, à plusieurs, on s'encorde !
Jusque sous la calotte sommitale, la pente est légèrement inférieure à 30°. J'avais laissé mes bâtons de
marche au pied du glacier, mais j'aurais pu les garder jusqu'au pied de la falaise sous le sommet, où un
petit replat rocheux permet de laisser le matériel superflu pour l'ascension finale.
Une fois au pied de la calotte de neige / glace sommitale, la pente se raidit nettement. Il est préférable
de continuer dans la pente douce jusqu'au replat pierreux, au pied de la falaise sous le sommet. La pente
directement sur la droite de la falaise est moins forte qu'en plein milieu de la calotte sommitale (entre
30° et 35° le long de la falaise, contre 35° à plus de 40° au milieu de la calotte sommitale, là où je suis
passé). Aller sur le replat au pied de la falaise est vraiment la meilleure option, puisque l'on peut ainsi
repérer le passage par la falaise en cas de besoin (si la calotte sommitale est gelée par exemple), mais on
peut également retourner sur le glacier pour monter par la pente de neige finale, si celle-ci est
en conditions.
Comme je l'ai évoqué au début de cette page, c'est ici que j'ai commis une erreur. J'ai directement bifurqué
droit dans la pente de la calotte sommitale. Celle-ci s'est révélée complètement gelée. J'avais beau planter
mon piolet et mes crampons de toutes mes forces, soit ils ne s'enfonçaient que de quelques millimètres,
soit ils faisaient sauter des plaques de glaces et ne s'accrochaient pas du tout. Impossible de redescendre
sans prendre trop de risque (taper fort des pieds ou du piolet en descente est nettement plus difficile
qu'en montée et je risquais d'être déstabilisé et de tomber), j'étais donc "condamné" à monter. Mais, plus
je montais, moins j'avais le droit à l'erreur ... Une situation tout à fait plaisante ...
Une fois en haut de la calotte sommitale de la Pointe de Charbonnel, le sommet se trouve sur notre gauche.
Juste avant d'arriver au sommet, une autre pointe se trouve sur la droite, mais elle est légèrement moins
haute que "le vrai sommet".
Ouf, nous y voilà ! 3752 m, un beau morceau quand même ! Le point culminant des Alpes Grées se mérite !
Comme à tous les sommets, je fais un petit tour d'horizon photographique pour vous présenter la vue (de la
gauche vers la droite). Passez votre souris sur le nom d'une montagne dans la description d'une photo pour
la voir entourée sur la photo correspondante.
Après une bonne pause au sommet, avec (pour ma part) l'immense chance d'être seul tout là-haut, on attaque
la redescente. Je savais que je ne pouvais pas redescendre par le glacier, j'ai donc cherché l'itinéraire
dans la falaise. Après le coup de stress de la montée, je voulais redescendre au plus vite au pied de cette
falaise, pour être "de retour en sécurité". Une légère trace se trouve au sommet, je suis donc descendu là
où elle semblait passer, mais une fois dans la pente, je me suis vite rendu compte que je n'étais pas au bon
endroit. C'est alors que la deuxième galère à commencé ... Une désescalade assez périlleuse, sans assurance.
La paroi était complètement gelée, mais malgré l'angoisse que j'avais de faire un faux mouvement, je trouvais
cet endroit magnifique.
D'après ce que j'ai pu lire sur différents topos et forums d'alpinisme, le bon itinéraire semblait être
tout proche du bord Est de la falaise (sur la droite, quand on fait face à la pente, depuis le sommet).
Je vous laisse chercher les nombreuses descriptions, sur CampToCamp par exemple.
Après ce deuxième coup de stress dans la descente, j'ai pris ma décision : le lendemain ça ne sera pas
le Pic Bayle, mais plutôt
le Roignais, sur lequel il n'y a pas de glacier.
Je ne voulais pas passer ma nuit à être anxieux sur le fait de trouver de bonnes conditions ou non.
Depuis le replat pierreux sous le sommet, il ne reste plus qu'à redescendre le Glacier de Charbonnel,
tout en restant vigilant aux crevasses et en ayant en tête que les ponts de neige se fragilisent à mesure
que la journée avance. Les difficultés techniques sont derrière nous, mais le danger n'a pas disparu
pour autant, même s'il se fait nettement moins oppressant.
Une fois de retour sur l'avancée rocheuse au pied du Glacier de Charbonnel, on range les crampons et le
piolet. Pour ma part, j'ai fait une bonne pause à cet endroit, pour ne pas quitter trop vite cette
magnifique montagne. C'est également ici que le niveau de risque retombe et que l'on peu se relâcher un peu,
étant donné qu'on ne risque plus de rencontrer de sournoises crevasses ... Mes crampons ont ainsi eu le temps
de sécher un peu avant de retourner dans le sac. Ensuite, on redescend par le même chemin qu'à la montée :
redescente des petits ressauts rocheux jusqu'au grand replat entre 3000 m et 2900 m, redescente de ce replat,
puis redescente vers le chemin que l'on a quitté, au niveau du Ruisseau de Charbonnel, en passant par les
fortes pentes en éboulis, sous la Grala de Charbonnel.
Ensuite, on suit encore le même itinéraire qu'à la montée dans l'autre sens : on prend le chemin qui
permet de ressortir des barres rocheuses, puis on redescend la prairie alpine, avant de revenir dans la forêt,
où le chemin redevient une piste qui redescend jusqu'au parking des Vincendières, en franchissant le Torrent
d'Avérole.
Et voilà, cette belle course d'alpinisme s'achève. Une chose est sûre, la Pointe de Charbonnel fait partie
de ces sommets qui comptent, de ceux qui vous restent en tête pour toute une vie. Je ne sais pas vraiment
pourquoi, mais une fois de retour au parking, il est difficile de ne pas se retourner tout le temps en
repartant, comme lorsque l'on quitte quelqu'un de proche pour une longue durée. Je ne sais pas encore quand,
mais il est certain que j'y retournerai.
Cet itinéraire est une course d'alpinisme cotée PD. La pente finale
sous le sommet peut dépasser les 40° en fonction de là où vous choisissez de passer. Celle-ci est
souvent glacée, ce qui oblige à grimper par la falaise sous le sommet. Piolet et crampons
sont obligatoires. Le casque est également vivement conseillé. Enfin, comme sur tous les glaciers
crevassés, si vous n'êtes pas seul, il faut vous encorder.